Aller au contenu

Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

convaincre que quelque brasserie joyeuse, cachée dans un repli de la berge, abritait de braves Suisses, groupés autour de bocks mousseux, dont les voix sonores et pures nous avaient ainsi hallucinés.

Maintenant, tandis que le train roulait, nous repensions à cet épisode de notre pèlerinage et il nous semblait d’un heureux augure. Pour la première fois, nous avions pu écouter, avec un recueillement sans trouble, une page du Maître. À Paris, c’était toujours à travers un énervement fébrile, l’œil aux aguets, les poings fermés pour fondre sur les interrupteurs, que nous goûtions la musique nouvelle ; hors de notre pays, la cause était donc gagnée, la musique de Richard Wagner déjà populaire ?…

Les stations défilaient toujours lentement, nous approchions pourtant de la dernière. Notre émotion croissait, dominée maintenant par la terreur sacrée. Nous cherchions parmi les Dieux de l’Art lequel nous paraissait plus grand que celui dont nous allions affronter la présence, lequel nous lui préférerions, s’il nous était donné de pouvoir choisir, dans le sublime Olympe des génies, celui que nous voudrions voir.

Homère, Eschyle, Dante, Gœthe, Beetho-