Aller au contenu

Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

Puis il ajoute :

— Au fait ! je dis cela pour plaisanter, mais j’aurais très bien pu connaître Gœthe : je devais avoir dans les quinze ans quand il est mort. Je voulais vous faire croire que je suis plus jeune que Richter !…

— Vous l’êtes, Maître : les Immortels n’ont pas d’âge.

Devant la gare, tous nos amis sont réunis. Il y a là Villiers, Schuré, Servais, quelques autres. Wagner serre les mains cordialement et Richter lui présente Franz Servais, qu’il ne connaît pas encore, mais dont Liszt ne lui a pas encore parlé.

Le train est formé, le compartiment choisi, on y arrange les bagages.

Le Maître, d’humeur gamine, s’assied par terre sur le tapis du wagon, dans l’ouverture de la portière, le marche-pied lui servant de tabouret. Nous nous rangeons en un cercle, qui forme un rempart devant lui.

Je le reverrai toujours, sous son grand feutre gris, les yeux d’un bleu lumineux, la bouche rieuse, si finement dessinée au-dessus de l’avancée du menton volontaire, avec ce cache-nez de satin jaune, qu’il a croisé sur sa gorge à cause de la fraîcheur matinale.