Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/159

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jusqu’au délire. Pour eux il était le vrai Dieu, et ils mouraient pour lui en le bénissant. Les mystères de la nature, il avait su les pénétrer. « Il disposait du clair de lune », était maître de la foudre, composait le philtre magique qui entr’ouvrait le paradis.

Le Prince des Assassins, le Scheikh-el-Djebel, que les Francs appelaient le « Vieux de la Montagne », avait trente ans à peine et était souverainement beau.

Il fallait l’être d’ailleurs : la moindre imperfection physique, la moindre infirmité, l’eût fait déchoir de son rôle divin.

Des prunelles d’aigle, sous de longues paupières, qui ne cillaient presque jamais, une pâleur ambrée, entre les boucles noires des cheveux et la barbe fine et touffue, une bouche dédaigneuse, d’un rouge ardent, dont le sourire, bien rarement, découvrait les dents, petites et charmantes, une expression habituelle de fierté sereine, d’inflexible volonté, une majesté presque surhumaine, qui mettait, entre lui et ceux qui l’approchaient, des espaces et des abîmes.

Pour vêtement, il portait une ample simarre blanche, serrée à la taille par une ceinture pourpre.