Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand il nous a fait cet invraisemblable aveu ?

— Il a su donner des preuves qu’il disait vrai.

— Comme c’est singulier !… Et que justement je sois allée à lui. Une force me poussait. Cela, sans doute, plaisait à Dieu, qu’il avait si ardemment prié. Mais la pensée du sacrilège a déjà étouffé, peut-être, cette flamme fragile.

— Ah ! ne crains pas cela ! s’écria Nahâr : si la peur du sacrilège, au contraire, soufflera sur le feu, à la façon de l’ouragan et en fera un incendie.

— Es-tu savante ! dit Gazileh en souriant.

— Toutes les femmes le sont sur ce sujet ; mais toutes sont imprudentes. Et, pour faire exception, moi, je t’avertis, ma princesse, que tu penses beaucoup à cet infidèle et que tu laisses croître dans ton cœur, un sentiment qui ne peut te procurer que des chagrins.

— Que veux-tu ? c’est la dernière vision que j’ai emportée dans ma prison… Toujours je revois cette tête mourante, si pâle dans la pourpre qui l’inondait, ces boucles éparses, cette barbe d’or, et l’extase de ces yeux clairs, quand ils reflétèrent mon image. Cela m’est très doux de savoir qu’une pensée monte vers moi, ardente