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Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/183

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— Cet honneur est trop grand : il m’épouvante !…

Mais Raschid, d’un geste, arrêta ses paroles.

— Non ! non ! ne dis rien… Plus tard, plus tard. Puisque tes regards ne cherchent pas les miens, puisque mon aveu ne t’a pas fait, d’un élan irrésistible, te jeter sur mon cœur. J’en sais assez, va ! Laisse le temps faire son œuvre. J’attendrai que ton amour fleurisse, car c’est ton âme qu’il me faut. Sans elle, je dédaigne cette beauté merveilleuse, qui est à moi, si je la veux.

— Hélas ! pensa Gazileh, je suis perdue !…

La grave et noire figure du chambellan Dabboûs apparut à l’entrée du kiosque.

— Ah ! dit Raschid, comme, en sa présence, l’heure s’envole légère et délicieuse ! Dabboûs doit me rappeler mes devoirs. Ma volonté m’échappe ; je ne suis plus mon seul maître.

Gazileh s’était levée.

— Permets, seigneur, que je me retire.

— Va, puisque ton désir est de t’éloigner. Que le bonheur soit ton ombre !… Je te rends grâce d’exister !

— Je te révère, ô prophète !