Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/190

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Et il demanda du vin à un de ses camarades.

— Tu romps le jeune ? dit celui-ci en lui tendant sa gourde.

Mais Urbain la repoussa après la première gorgée.

— Pouah ! dit-il, comme il est aigre !

— Du vin de Galilée ! Tu es difficile.

— Ah ! dit un sergent, depuis son aventure magique, il trouve tout indigne de lui.

— Quand on a goûté aux joies du paradis, la vie commune doit vous sembler, en effet, bien amère.

— Il est heureux, ma foi, d’avoir goûté à ces joies-là, reprit le sergent. J’aurais voulu être à sa place.

Un jeune écuyer se rapprocha et, baissant la voix :

— Dis-nous, l’as-tu vu, le Vieux ? Est-il bien laid ? A-t-il des dents de sanglier et de grandes cornes ?

— Ne parle pas ainsi du Prophète ! s’écria Urbain avec colère. D’abord, il n’est pas vieux. C’est un jeune homme, plus beau qu’aucun de nos chevaliers et plus imposant que le roi.

— Le diable prend la forme qu’il veut.