Aller au contenu

Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Si c’est là le diable, je demande à être damné.

— Urbain ! Urbain ! tu sens le roussi et tu serais, bien sûr, excommunié si le saint évêque t’entendait.

— Eh bien, je pense comme lui, dit un des écuyers, et je me confierai bien à ce diable-là s’il veut de moi ! En somme, il n’y a que peines et tourments en ce monde, et on nous promet encore, dans l’autre, grandes brûleries et tortures, si seulement nous mourons sans avoir eu le temps de nous laver de nos péchés. Qui trouve son paradis sur la terre a toujours attrapé cela.

— C’est bien vrai : misère ici, misère là-bas. Autant se donner du bon temps, si on le peut.

— Du bon temps ! Nous n’en avons guère en terre sainte ! s’écria le sergent. Avons-nous assez pâti de soif, de faim, de fatigues ! Avons-nous assez arrosé les chemins de nos sueurs et de notre sang ! Ah ! Notre Seigneur Jésus nous devra bien le paradis.

Un Arabe qui les écoutait, adossé à la fontaine, dit d’une voix grave :

— Le Prophète de là-haut ne le vend pas aussi