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Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/195

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l’extrémité du pont pour saluer l’émir Ousama qui sortait du château.

Ce prince syrien, vieillard ayant alors plus de soixante-quinze ans, mais d’une verdeur et d’une force extraordinaires, était célèbre parmi les Francs, car il avait eu des relations avec plusieurs rois chrétiens. S’il était un adversaire redoutable à la guerre, on le savait, en temps de paix, parfait chevalier, seigneur courtois et généreux. C’était aussi un grand chasseur de lions : il en avait tué un nombre incroyable, et l’on racontait que, dans son palais, une salle était ornée, de façon très farouche, par des arceaux et des rosaces faits de têtes de lions et de têtes d’hommes.

Ousama était grand, maigre et d’un aimable visage, où l’on voyait encore les traces d’une beauté fameuse, chantée jadis par les poètes. Il se plaisait à présent à redire lui-même les vers à sa louange, en souriant, et en soupirant de regret ; ceux surtout qui célébraient ses yeux, qu’il avait eu magnifiques et dont l’éclat n’était pas éteint tout à fait :

« Le coup de l’épée acérée, qu’est-ce donc auprès de ce coup d’œil, d’une langueur si séduisante ?