Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/206

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faible, et vaincue par la ténacité de son désir, ne voulant pas y renoncer encore. Les sourcils contractés, elle regardait le jeune homme, avec l’amer dépit de ne pouvoir se défendre du plaisir, toujours aussi vif, que lui causait sa vue. L’élégance et la force de ses membres souples, la taille menue, les puissantes épaules, l’éclat fugitif des dents, sous l’or fluide de la barbe, entre les lèvres fraîches, et surtout, sous la pénombre des grands sourcils veloutés ; les yeux changeants, si rêveurs, si doux et si mystérieusement tristes ! Il lui semblait qu’elle les aurait contemplés des jours entiers, sans assouvir son envie de les voir.

Impatiente contre elle-même, elle frappa du pied, tandis que, muet, un peu gauche, il se tenait devant elle.

— Écoutez-moi, dit-elle enfin. Aujourd’hui, j’ai lu des prédictions. On m’annonce que je serai reine. Reine, je ferai roi mon époux. Peut-être une couronne vous tentera-t-elle, puisque je n’ai pas, sans elle, le don de vous plaire.

— Homphroy est plus digne que moi de la couronne et de la reine, dit-il. Aimez-le, prinçesse, je vous en conjure : nul plus que lui ne mérite l’amour.