Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/229

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force de prières, j’obtins un sursis, au nom de l’innocente créature qui allait naître, et, par bonheur, épuisée de honte et de chagrin, Zobeïde mourut quand son enfant vit le jour… Ainsi, elle échappa au bourreau. Son père, miné par le désespoir, succomba bientôt après.

— Voyez, roi, dit Guillaume, combien la légèreté de la jeunesse peut engendrer de malheurs en quelques instants de plaisirs coupables.

— Ah ! j’expie, Guillaume, j’expie ! dit Amaury en couvrant ses yeux de sa main.

— Daignerez-vous nous dire, prince, demanda l’évêque, ce que l’enfant est devenu ?

— Je l’ai élevé : une fille, la joie de ma vieillesse. On me l’a prise !

—— On vous l’a prise ? Qui, qui donc ? décria le roi.

— Qui ?… le terrible Raschid ed-Din, le vautour de la montagne, qui nous tient tous les deux dans ses serres.

— Lui ! Pourquoi ?

— Je l’ai bravé ; il m’a vaincu jusqu’à m’avoir à sa discrétion et ne m’accorda la paix qu’en exigeant ma Gazileh comme otage. J’ai cru d’abord que ce n’était là qu’un caprice du vainqueur, pour me torturer mieux ; mais, en appre-