Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un accablement délicieux, auquel il était impossible de s’arracher.

L’élan de sa volonté avait suffi : une onde caressante souleva le lit comme une nacelle, et il glissa, avec un bercement léger, qui ajouta encore de plus subtils charmes à cette lassitude heureuse. Par les jardins prodigieux, où les fleurs semblaient des étoiles et les feuillages des émeraudes, il allait et, sans effort, jouissait du plus menu détail : des fibrilles rayant la transparence des feuilles, des dentelures délicates, du velouté des pétales où les nuances se mouraient en tendres pâleurs, et, même, il distinguait, hors des calices, comme une haleine, les parfums s’exhalant en d’immatérielles fleurs, qui frôlaient leurs aromes, et il croyait voir des baisers d’âmes.

Puis parut un portique, haut, grandiose, d’une majesté saisissante, et la beauté de la courbe de porphyre, où s’enchâssaient des turquoises, lui causa une émotion extrême. Il comprenait l’amicale tendresse qui unissait les gemmes et les marbres, le bonheur avec lequel le doux azur s’appuyait aux blancheurs opalines, en recevait et lui donnait des charmes. Tout l’édifice, qui sculptait l’air en une forme précise, limitant l’espace,