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Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/259

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— Vous revoir, je ne le croyais pas !

— Est-ce bien possible ? Tandis que, si ardemment, je vous appelais, vous désiriez ma présence ?

Mais Gazileh, épouvantée, s’arracha de ses bras.

— Ai-je dit cela ? s’écria-t-elle, ai-je désiré votre mort ?

— Ma mort !… Oh ! qu’avez-vous ? Vous ai-je fâchée ?

— Pouvez-vous fuir d’ici ?… Comment y êtes-vous venu ?

— Une nuit opaque s’étend sur mes souvenirs, dit-il ; je sais seulement que vous êtes toute ma vie et qu’elle a atteint son but, puisque je suis près de vous. Comment je suis, venu, quel est ce lieu, je l’ignore. Qu’importe ?… Quant à fuir, si cela m’éloigne de vous, c’est une dérision de le proposer.

Gazileh, au désespoir, se tordait les bras.

— Hélas ! pourquoi vous ai-je secouru, quand votre voix mourante m’appela ! Pourquoi, n’ai-je pas laissé tout votre sang fleurir le sol, comme un parterre de roses, au lieu d’arrêter le fugitif, de refermer sa prison ? Il a couru de nouveau, ce noble sang, jusqu’au cœur ardent et fier, qui s’est