Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/269

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t-il ; nous sommes à sa merci. S’il se montrait, cependant, s’il acceptait le combat avec moi, par la seule force de mon bras je pourrais le vaincre.

Il cria, se tournant vers la haute porte voilée :

— Parais donc, misérable lâche, qui ne sais triompher qu’en te cachant, tuer que par traîtrise et qui ne règnes que par la magie…

— De grâce, taisez-vous, dit Nahâr, suppliante. Ce sont des prières qu’il faudrait ! ces défis ne serviront qu’à hâter votre fin… Ah ! tenez ! ajouta-t-elle, en se rejetant en arrière.

Le rideau de pierreries venait de se relever, et, au sommet d’un escalier, couvert de tapis brodés d’or, dans l’éblouissement d’une lumière bleuâtre et surnaturelle, le Vieux de la Montagne apparut sur son lit royal. À chaque marche, alternant avec un lion enchaîné, était debout un frère de l’ordre, appuyé sur un glaive nu, coiffé d’un léger casque damasquiné d’or, dont les franges de mailles tombant jusqu’aux épaules, lui cachaient presque le visage, vêtu d’une tunique blanche nouée d’une ceinture pourpre, symbolisaient l’innocence et le sang. Tous ces hommes semblaient ne vivre que par le maître et pour lui. Leurs yeux, tournés vers les siens, avaient des clartés d’opale dans leurs