Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/35

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— Il fait des miracles ?

— Saladin en a vu quelque chose lorsqu’il voulut faire la guerre au Vieux de la Montagne. Il avait mis le siège devant le château de Macyâf, la résidence habituelle de ce puissant homme, et, un jour, il crut surprendre son ennemi. Saladin le vit, avec deux écuyers pour toute escorte, au sommet d’une montagne isolée. Se croyant bien certain de le tenir, il fit cerner la montagne et envoya soixante nobles cavaliers pour se saisir de l’adversaire et l’amener prisonnier. Le prophète s’était assis sur un rocher et les regardait venir.

« Il est pris ! Il est pris ! » criaient les soldats de Saladin. En effet, les cavaliers n’étaient plus séparés du rocher que de la longueur d’une lance. Mais alors ils s’arrêtèrent comme devant un obstacle infranchissable ; ils avaient beau éperonner furieusement leurs montures : ils n’obtenaient pas d’elles un pas de plus. Quelques-uns mirent pied à terre et voulurent s’élancer ; mais, comme frappés de paralysie, ils tombèrent à genoux, sans pouvoir se relever. En les narguant, le Vieux de la Montagne leur disait : « — Eh bien ! pourquoi ne venez-vous pas nous saisir, comme vous l’a ordonné celui qui vous envoie ?