Aller au contenu

Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peux obtenir, malgré tous mes efforts… Et voilà qu’elle vous choisit pour son chevalier ! qu’elle vous envoie un gage de sa foi !… Non ! non ! vous n’accrocherez pas cette manche à votre épaule : je ne le veux pas, je vous défends de la porter.

— Bien que vous ayez quitté vos enfances depuis très peu de temps, dit Hugues, sans élever la voix, vous êtes aussi vaillant et robuste qu’aucun homme fait. Je ne refuserai donc pas de combattre avec vous en prétextant votre jeunesse, car je sais ce que valent vos coups. Et cependant c’est avec grande douleur que je tirerai l’épée contre un chrétien, contre un compagnon d’armes. Votre vie m’est plus chère, je vous le jure, que ce précieux gage, que je n’attendais pas et que je n’ai nullement mérité.

— Ah ! Je n’ai que cette espérance : peut-être n’aimez-vous pas celle qui vous aime… Si vous l’aimez… alors il faudrait tremper de sang l’azur de cette étoffe, car, moi vivant, nul ne portera les couleurs de Sybille.

La voix du jeune homme s’entrecoupait ; ses paroles sortaient avec peine de sa gorge serrée. Tout à coup, un rauque sanglot la déchira, et, dans un élan spontané, il jeta ses bras autour du