cria le jeune duc d’un ton à la fois triomphant et dépité, car d’une part il ne croyait guère à la vertu des femmes, et de l’autre cela le contrariait d’apprendre qu’il avait un rival.
— J’ai dit amour et non pas amant, continua l’aubergiste avec une respectueuse insistance, ce n’est pas la même chose. Votre Seigneurie est trop experte en matière de galanterie pour ne point apprécier cette différence bien qu’elle ait l’air subtil. Une femme qui a un amant peut en avoir deux, comme dit la chanson, mais une femme qui a un amour est impossible ou du moins fort malaisée à vaincre. Elle possède ce que vous lui offrez.
— Tu raisonnes là-dessus, dit Vallombreuse, comme si tu eusses étudié les cours d’amour et les sonnets de Pétrarque. Je ne te croyais docte qu’en fait de sauces et de vins. Et quel est l’objet de cette platonique tendresse ?
— Un comédien de la troupe, répondit Bilot, que j’imaginerais volontiers engagé par amourette, car il ne me semble pas avoir les allures d’un histrion vulgaire.
— Eh bien, dit le chevalier de Vidalinc à son ami, vous devez être content. Voilà des obstacles imprévus qui se présentent. Une comédienne vertueuse, cela ne se rencontre pas tous les jours, et c’est affaire à vous. Cela vous reposera des grandes dames et des courtisanes.
— Tu es sûr, continua le jeune duc poursuivant sa pensée, que cette chaste Isabelle n’accorde aucune