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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

accourue pour voir entrer le monde à la comédie, et rangés les uns à côté des autres sur la place, ils produisaient un effet assez respectable.

Bientôt la salle fut pleine à n’y pouvoir introduire un cure-dent. De chaque côté de la scène on avait disposé des fauteuils pour les personnes de marque ; chose, certes, nuisible à l’illusion théâtrale et au jeu des acteurs, mais dont l’habitude empêchait de sentir le ridicule. Le jeune duc de Vallombreuse, en velours noir tout passementé de jais, tout inondé de dentelles, y figurait près de son ami le chevalier de Vidalinc, vêtu d’un charmant costume en satin couleur de scabieuse relevé d’agréments d’or. Quant au marquis de Bruyères, pour être plus libre d’applaudir Zerbine sans trop se compromettre, il avait pris un siège à l’orchestre derrière les violons.

Des espèces de loges en planches de sapin, recouvertes de serge ou de vieilles verdures de Flandre, avaient été pratiquées sur les côtés de la salle, dont le milieu formait le parterre, où se tenaient debout les petits bourgeois, courtauds de boutique, clercs de procureur, apprentis, écoliers, laquais et autres canailles.

Dans les loges s’établissaient, en faisant bouffer leurs jupes et en passant le doigt par l’échancrure de leur corsage pour mieux faire valoir les trésors de leur blanche poitrine, les femmes aussi superbement parées que le permettait leur garde-robe de province, un peu arriérée sur les modes de la cour. Mais croyez bien que chez plusieurs la richesse remplaçait avantageusement l’élégance, du moins aux yeux peu con-