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les cruautés de l’amour

— Quel dommage, un moujik ! se dit encore Clélia avec un léger haussement d’épaules.

Tout en faisant honneur au repas, qui peut-être à cause de la nouveauté lui sembla délicieux, elle fit causer un peu ses hôtes.

— Votre maître, quel homme est-ce ? demanda-t-elle ; est-il jeune ?

— Le barine ? il n’a pas trente ans, dit Ivan, c’est un jeune homme très-dissipé, égoïste cependant et plein de méchants caprices.

— Tu n’as pas l’air de l’aimer beaucoup.

— C’est le barine, dit Ivan.

— Comment l’appelle-t-on ? habite-t-il loin d’ici ?

— C’est Alexis Alexandrovitch Penoutchkine ; sa maison seigneuriale est à vingt verstes d’ici, mais il y est rarement, il habite Piter[1], et ne revient chez lui que lorsqu’il n’a plus un rouble en poche.

— Est-il riche ?

Il possède ce village qui est d’un millier d’âmes et les champs d’ici jusqu’à chez lui, mais il gaspille tout et je suis certes plus riche que lui.

— Tu es riche, toi ?

— J’ai de l’argent.

  1. Saint-Pétersbourg.