Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/357

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avec un page pour lui porter la queue, de peur qu’elle ne se prît les pieds dans ses jupes de brocart d’or en montant les escaliers de marbre de Versailles. Une expression qui n’avait pas été reçue à la cour n’était admise nulle part. Les d’Hozier de la grammaire revisaient les titres de chaque mot, et ceux qui se trouvaient d’origine bourgeoise étaient impitoyablement rejetés. La peinture, tout entière aux tableaux d’apparat, aux plafonds mythologiques, jugeait l’imitation de la nature au-dessous d’elle. La nature n’avait pas été présentée, et Louis XIV avait horreur de la vérité en toutes choses, et surtout en art. Les Flamands lui déplaisaient souverainement ; il aimait mieux Charles Lebrun, son premier peintre : — un goût royal dont il ne faut pas disputer.

De tout cela il est résulté un art magnifique, grandiose, solennel, mais, osons le dire, sauf deux ou trois glorieuses exceptions, légèrement ennuyeux, et qui produit une impression à peu près pareille à celle que vous donnent les jardins de Le Nôtre ou de la Quintinie : partout du marbre, du bronze, des Neptunes, des tritons, des nymphes, des rocailles, des bassins, des grottes, des colonnades, des ifs en quenouille, des buis en pot-au-feu, tout ce qu’on peut imaginer de plus noble, de plus riche, de plus coûteux, de plus impossible ; mais au bout d’une heure ou deux de promenade, vous sentez l’ennui vous tomber sur le dos en pluie fine avec la rosée des jets d’eau : une mélancolie sans charme s’empare de vous à la vue de ces arbres dont pas une branche ne dépasse l’autre, et dont l’alignement irréprochable ravirait d’aise un instructeur de landwehr prussienne. Vous vous pre-