Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et faire mal les vers ; — mais ce nom obscur, je l’ai entendu dire si doucement, par des voix si douces, que je l’aime dans moi et dans les autres, et que je ne le changerais pas contre ton prénom de Williams, ô vieux Shakspeare ! ni contre ton prénom de Noël, ô beau Gordon Byron !

Il était nécessaire, pour mon repos, de me confirmer dans la supposition tout à fait gratuite que j’avais faite, que Théophile de Viau était effectivement aussi bon poëte que moi, Théophile Gautier. Une lecture rapide suffit pour m’en convaincre et au delà, et je pense que cet article et quelques citations prises au hasard et çà et là, vous rangeront tout à fait de mon avis, si récalcitrants et si admirateurs de Boileau que vous soyez.

C’est pour moi une affaire de cœur et presque de famille, et je ne vous laisserai aucun repos que vous n’ayez ployé le genou devant mon idole. — Je suis très-tolérant pour toute religion quelconque, mais je suis très-fanatique et très-intolérant à l’endroit du Théophile, et si vous n’y croyez pas comme moi je ne vois point de salut pour vous.

Voyez comme la marraine de Théophile a eu une idée triomphante de l’appeler ainsi et pas autrement ! Car il est certain que, si elle lui eût donné pour nom Christophe ou Barthélémy, je ne m’en serais pas occupé le moins du monde, ce qui eût été un grand malheur pour lui d’abord, — pour vous et pour moi ensuite. — Sur le titre de ses œuvres, Théophile, je ne sais pourquoi, n’est désigné que par son prénom. — Son nom de famille était de Viau, et non pas Viaud, comme on l’orthographie