Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/156

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laient dans la poche, et faisaient tous leurs efforts pour mettre le nez à la fenêtre.

Un soir qu’il se trouvait chez madame de M***, il entendit une de ses amies qui l’appelait par son nom de baptême : ce nom de baptême était Cyprienne. Rodolphe fit un bond d’un demi-pied de haut sur son fauteuil, et bénit intérieurement le parrain et la marraine qui avaient innocemment eu la triomphante idée de donner à leur filleule un nom trisyllabique et rimant en ienne.


Ô reine de mon cœur ! ô brune Cyprienne !
Quelle beauté peut-on comparer à la tienne ?


Cela allait tout seul.

Rodolphe reprit sa respiration comme quelqu’un de soulagé d’un grand poids, comme une femme dont le mari s’en va et qui peut enfin aller ouvrir à son amant qui étouffe dans une armoire ou comme un mari dont la femme monte en diligence pour aller passer quinze jours à la campagne.

L’amie de madame de M*** sortit après quelques propos de femmes, et Rodolphe resta seul avec elle au lieu de profiter de ce tête-à-tête fortuit que le hasard lui ménageait, le hasard, le plus grand des entremetteurs de ce monde, où il y en a tant et de si bons ; Rodolphe, se comportant en vrai âne et en franc écolier, cherchait à substituer une épithète à l’épithète trop locale de romain dont il avait affublé le soleil dans son élucubration primitive, et perdait