Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/244

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manière plus prétentieuse et plus fatigante : chaque interlocuteur prend le dernier mot de l’autre, et le renvoie comme un volant avec une raquette.

Je pense que le seul motif qui m’a poussé à cette abomination est le désir de faire le plus de pages possible avec le moins de phrases possible. Je souhaite de tout mon cœur que ce bienheureux conte, intitulé le Bol de Punch, aille jusqu’à la page 570, qui est la colonne d’Hercule où je dois arriver, et que je ne dois pas dépasser, parce que, dans l’un ou l’autre de ces deux cas, mon volume serait galette ou billot, écueil également à redouter.

Le dialogue a cela d’agréable qu’il foisonne beaucoup : chaque demande et chaque réponse étant séparées par le nom des personnages écrits en lettres majuscules, l’on peut, avec un peu d’adresse, composer une page sans y mettre plus de cinq ou six lignes, en ayant soin de hacher son style court et menu. Il y a, dans les Marrons du Feu, une feuille qui ne contient que treize syllabes ; c’est le nec plus ultra du genre, et il n’est pas donné à beaucoup de s’élever à cette hauteur :

….. Vestigia pronus adoro.

Quoi qu’il en soit, je renonce au dialogue, temporairement du moins, et le lecteur y gagnera une superficie de deux ou trois pouces carrés par feuillet de pensées exclusivement admirables, ainsi que je me suis engagé à les livrer à mon éditeur très-cher.

Cette grandeur d’âme est d’autant plus antique