Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/330

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toufles s’est couverte d’un vernis métallique dans ses fréquents rapports avec elle. Tous les effets de lumière, tous les jeux de la flamme, je les sais par cœur ; tous les édifices fantastiques que produit l’écroulement d’une bûche ou le déplacement d’un tison, je pourrais les dessiner sans les voir.

Je ne suis jamais sorti de ce microcosme.

Aussi, je suis de première force pour tout ce qui regarde l’intérieur de la cheminée ; aucun poëte, aucun peintre n’est capable d’en tracer un tableau plus exact et plus complet. J’ai pénétré tout ce que le foyer a d’intime et de mystérieux, je puis le dire sans orgueil, car c’est l’étude de toute mon existence.

Pour cela, je suis resté étranger aux passions de l’homme, je n’ai vu du monde que ce qu’on en pouvait voir par la fenêtre. Je me suis replié en moi ; cependant j’ai vécu heureux, sans regret d’hier, sans désir de demain. Mes heures tombent une à une dans l’éternité, comme des plumes d’oiseau au fond d’un puits, doucement, doucement ; et si l’horloge de bois, placée à l’angle de la muraille, ne m’avertissait de leur chute avec sa voix criarde et éraillée comme celle d’une vieille femme, certes je ne m’en apercevrais pas.

Quelquefois seulement, au mois de juin, par un de ces jours chauds et clairs où le ciel est bleu comme la prunelle d’une Anglaise, où le soleil caresse d’un baiser d’or les façades sales et noires des maisons de la ville ; lorsque chacun se retire au plus