Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/38

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— Un peu commun : j’aimerais mieux m’appeler Wilhelmine ou Fœdora, c’est plus distingué ; mais je ne suis pas la demoiselle que vous cherchez. Si c’était un effet de votre bonté de me laisser continuer mon chemin seule ; un monsieur qui suit une jeune personne, cela fait jaser.

Mais, sans obtempérer à sa demande, je lui pris le bras, et je continuai ainsi :

— Mademoiselle, je suis heureux de m’être trompé : l’erreur est toute à mon profit. Angelina est bien jolie, mais…

— Bien jolie ! c’est comme on veut ; je la connais, nous avons été amies ensemble : elle a le nez furieusement rouge pour son âge. Après tout, elle n’est pas jeune ; elle dit vingt-six ans, mais elle en a bien vingt-huit ou vingt-neuf même ; elle a du son plein la figure, elle veut faire la grosse, mais on sait ce que c’est ? et puis ce genre qu’elle a : si ça ne fait pas pitié !

— Sais-tu, mon cher ami, que ton histoire est outrageusement ennuyeuse ? interrompit Théodore ; elle ne pèche pas par la nouveauté. Je pourrais t’en raconter comme cela autant qu’il y a de jours dans l’année, et puis c’est d’un Paul de Kock !

— C’est précisément ce qui en fait le mérite ; maintenant, une histoire simple et qui peut arriver, n’est-ce pas ce qu’il y a de plus extraordinaire ? Cependant, en considération de ce que tu es ivre, et qu’un homme ivre a autant de droits aux égards