Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/310

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— mène au palais désert. Un lierre énorme l’enveloppe et monte avec vous les marches disjointes de l’escalier, prêt à vous retenir de ses bras souples si le pied vous manque. Il ne reste à l’intérieur que des murs de refend, des chambranles de porte, des pieds-droits et un manteau de cheminée travaillé à merveille par des ciseaux inconnus, comme ceux qui ont fouillé, découpé et fleuri la façade. — Quelle chose étrange que le cadavre d’un palais, que cette coquille géante d’où l’être qui l’animait s’est retiré ! Voir pousser l’ortie où brillait la flamme du foyer, cela jette le plus frivole en rêverie.

Le palais de Frédéric IV est d’un goût plus allemand et plus moderne. Deux grands pignons à frontons et à volutes se font pendant sur sa façade, d’un grès plus sanguinolent et moins festonné de lierre que celui du palais d’Othon-Henri ; le toit tout entier subsiste, et la ruine est moins complète. Les boulets, qui ont respecté les statues italiennes et mythologiques de la façade renaissance voisine, semblent avoir visé, comme des ennemis plus redoutables, ces personnages, empereurs et palatins casqués, cuirassés, couronnés, portant le globe ou brandissant le glaive. On dirait à les voir avec leurs tournures violentes, exagérées, anguleuses,