Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/42

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un peu plus grande, qui lui sert de soucoupe et empêche qu’on ne se brûle les doigts, contient le café, apprêté d’une manière différente de la nôtre. Il se sert avec le marc, et n’a pas cette âcre amertume et cette force qui en rendent chez nous l’usage dangereux. On peut boire dans sa journée une douzaine de tasses de café more sans s’agiter les nerfs et sans courir risque d’insomnie. Comme il n’y a pas de table, vous êtes obligé de tenir votre tasse à la main ou de la faire asseoir à côté de vous, jusqu’à ce que l’impalpable poudre brune se soit précipitée.

Les pipes n’ont rien de particulier, sinon qu’elles sont bourrées d’un tabac fort doux et se fument sans bouquin, à même le tuyau. Les Européens payent cette consommation deux sols et les indigènes la moitié ; mais aussi les roumis (c’est le nom que les Arabes nous donnent) jouissent en plus de la douceur d’une pincée de cassonade.

Il régnait dans cet établissement sauvage et primitif une chaleur à faire éclater les thermomètres ; vous vous l’imaginerez sans peine en pensant que l’on était en Afrique, à la fin du mois de juillet, et qu’un feu violent brûlait dans ce bouge privé d’air, où plus de trente personnes fumaient sans interruption. Cela tenait du