Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/340

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Un jour, le marin l’entendit murmurer :

— Laissez-moi donc mourir tranquille !

— Comment ! Lucienne, dit-il, tu ne veux pas guérir, pour moi, pour Stéphane ?

— Stéphane !

— Il t’aime, tu le sais ; sans toi, il sera toujours malheureux ! tu ne veux pas faire cette bonne action de vivre pour nous ?

— Quoi ! vous savez l’amour de Stéphane ? dit-elle.

— Mon fils n’a pas de secret pour moi ; il m’a tout appris le jour où je lui ai dit ton histoire.

— Et vous ne m’en avez jamais parlé !

— À quoi bon, enfant ? pourquoi t’attrister de mon chagrin ?

— Ah ! vous êtes bon, vous ! dit-elle.

Le soir, après avoir été silencieuse toute la journée, elle s’écria avec une énergie fébrile :

— Je le veux, je guérirai ; j’oublierai ceux qui m’ont oubliée ; j’aimerai Stéphane.

À partir de ce moment, elle se laissa soigner avec soumission. Elle essaya de manger un peu, mais son estomac refusa toute nourriture. Ses yeux noirs s’agrandissaient dans son visage amaigri et aussi pâle que ses draps.

Elle ne parlait jamais d’Adrien ; mais nuit et jour, malgré elle, elle pensait à lui. Il lui semblait impossible que tout fût fini ainsi.

Un matin, elle entendit le facteur entrer en bas dans la boutique. La garde-malade descendit aussi-