Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/349

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Un engourdissement lui montait des pieds jusqu’aux cheveux. Elle s’assoupissait.

Le train était depuis un quart d’heure à Rouen, où il stationne vingt minutes, lorsqu’elle sortit de sa torpeur. La portière était ouverte, elle essaya de descendre ; mais elle vit qu’elle ne le pourrait pas, qu’elle tomberait. Un employé vint à son aide, et, la voyant si affreusement pâle, la guida vers une voiture.

— Cours Boïeldieu, dit-elle, vous m’arrêterez du côté de la rivière.

Et elle tendit une pièce d’argent au cocher.

— Mais c’est un fantôme que je conduis là ! grommela le cocher en remontant sur son siège.

Lucienne, les yeux démesurément ouverts, cramponnée d’une main à la portière, les lèvres serrées, s’efforçait de retenir le souffle de vie qui lui restait. Elle arriva enfin. Le cocher l’aida à descendre et elle se laissa tomber sur le banc où elle s’était assise une fois déjà.

— Voulez-vous que j’appelle quelqu’un ? dit le cocher. Vous m’avez l’air bien malade.

— Non ! non ! allez ! dit Lucienne.

Le cocher haussa les épaules, remonta sur son siège et s’éloigna.

Onze heures sonnaient à une horloge. Une seule lumière brillait à la façade de la maison d’Adrien.

— C’est sa chambre, se disait Lucienne ; c’est là que je l’ai vu une fois déjà.

Et elle essayait de le voir encore. Mais son regard