Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Jenny est rêveuse ? la voyez-vous autrement que rieuse et paisible ? Aussi elle n’a lu que des ouvrages approuvés par M. l’archevêque.

— Ça doit être peu gai, objecta timidement M. Provot.

— À leur âge, elles ont bien d’autres façons de s’amuser : la promenade, la danse ; le moindre ruban les rend folles de joie. D’ailleurs, leur imagination travaille bien assez comme cela, elle n’a pas besoin d’aliments. Vous avez de la chance encore que votre nièce soit restée honnête. Avec une pareille éducation, tout était possible. Qu’auriez-vous dit si elle s’était fait enlever par un garçon coiffeur pour mettre un roman en action ?

— En effet… un pareil événement… murmura M. Provot, qui s’agitait sur sa chaise comme si elle eût été rembourrée d’épines.

— Chut ! dit brusquement madame Després en lui posant la main sur le bras, voici les enfants.

M. Provot poussa un soupir de soulagement. Jamais conversation ne lui avait été si pénible.

— Te baignes-tu, mère ? dit Adrien en s’approchant.

— Les vagues sont encore bien fortes pour moi, répondit-elle, j’aime autant ne pas me baigner.

— Tu as bien raison, maman, s’écria Jenny. C’est moi qui ne me baignerais pour rien au monde !

— Nous connaissons ton héroïsme, dit Adrien en riant.

— Ma foi, je suis d’avis qu’il est bien inutile de