Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/150

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chaînes de la porte, puis, après l’avoir refermée le mieux que je pus, je m’élançai dehors.

Un grand silence emplissait Golconde, tout était noir et désert. Je connaissais si bien les rues et les places de la ville que je pus la traverser, malgré l’obscurité, d’une allure très rapide. Je baissais la tête sous la honte et le chagrin, tout en marchant mes lourdes larmes tombaient
le vent et les pluies avaient détruit la cabane.
sur mon chemin, si larges, qu’on aurait pu par elles retrouver ma trace, si l’aride poussière ne les avait bues aussitôt.

Le jour naissait quand j’aperçus la forêt qui si souvent avait été le but de nos promenades avec ma douce Parvati.

Quand se découpait alors à l’horizon la ligne bleuâtre et sombre que dessinaient sur le rose éclatant du ciel les arbres de la lisière, comme je me sentais heureux et prêt à amuser la rieuse princesse avec ma folâtre gaieté. Et maintenant, combien j’étais triste et malheureux en m’enfonçant sous l’ombre verte. J’avais la poitrine gonflée d’énormes soupirs — des soupirs d’éléphant — qui, parfois s’échappaient en sonorités terribles qui effrayaient toutes les bêtes du bois.

J’étais si ému que je dus m’arrêter et, si j’avais été homme, j’aurais, comme le poète de la cour, qui mettait en vers tous les sentiments du cœur, exhalé mon chagrin en une longue plainte poétique, et les cris rauques que je poussais auraient pu se traduire ainsi :