Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/181

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même, avec ses cheveux d’un blond délicat et ses yeux bleus qui étaient un sourire.

— Miss Sarah Skipton est, pourrait-on dire, l’étoile de notre troupe, miss Circé Nightingale en est la perle, monsieur : c’est la douce charmeuse des oiseaux, et vous la prendrez pour quelqu’une de vos déesses quand vous la verrez parmi son cortège de fauvettes et de rossignols.

Miss Circé Nightingale sourit gracieusement à Moukounji, et de sa jolie main, me caressa longuement. Et je la remerciai amicalement déjà.

En somme, à part M. Greathorse, mistress Greathorse, le jeune Greathorse, et aussi mistress Pound, tous ces gens paraissaient plutôt agréables, et il ne me sembla pas qu’il dût être trop pénible de vivre avec eux. Et même, pour quatre des jeunes femmes qui étaient de la troupe, je me sentis, dès lors, de la sympathie ; l’élégance de miss Clary Morley me charmait ; sans doute miss Morley était douce aux animaux, et ce ne devait pas être avec des coups qu’elle dressait les chevaux. Pour miss Annie Greathorse, j’éprouvais de la pitié : je comprenais qu’on la maltraitait, qu’elle était malheureuse, et je pensais déjà que je pourrais peut-être la protéger. J’admirais l’éclatante beauté de miss Sarah Skipton, et la grâce enchanteresse de miss Circé Nightingale me séduisait. Et je me disais :

— Ici je me ferai quatre amies, et j’aurai quatre ennemis.

Quand toute la troupe eut été présentée, M. John Harlwick dit à Moukounji :

— C’est ce soir que, pour la première fois, nous jouons à Calcutta, et je voudrais, le plus tôt possible, présenter votre éléphant au public. D’abord, quel est son nom ?

— Comme, un jour de détresse, il vint me trouver, je ne sais d’où, et comme il m’apporta de la consolation, je l’appelle Devadatta, ce qui, dans notre langue, signifie donné par les dieux.