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Chapitre V

LA DOT DE SAPHIR-DU-CIEL

Un jour mon mahout qui, comme tous les mahouts d’ailleurs, avait l’habitude de me faire journellement de longs discours, que j’avais fini par comprendre, se posa devant moi, les bras croisés comme il le faisait quand il voulait être écouté. Je fus tout de suite attentif, car je voyais à son air ému et agité qu’il s’agissait cette fois de quelque chose de grave.

— Roi-Magnanime, me dit-il, devons-nous nous réjouir, ou devons-nous pleurer ? Une vie nouvelle est-elle un bien, ou est-elle un mal ? Faut-il désirer le changement ou faut-il le redouter ? Voilà les questions qui se balancent dans ma tête comme les deux plateaux d’une bascule. Toi qui fus un roi et qui es maintenant un éléphant, si tu pouvais parler, tu me répondrais ; tu saurais me dire si, dans tes nombreuses transformations, le changement t’a causé de la joie ou du regret. Ta sagesse