Page:Gautier - Mademoiselle Dafne - recueil 1881.djvu/40

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bacchante à froid et qu’il y avait quelque chose de contraint et de nerveux dans ses efforts pour égayer ses convives. Malgré l’animation du repas, son rouge était tombé et une imperceptible moiteur mouillait ses tempes. De ses yeux, qu’elle tâchait de rendre provocants et voluptueux, jaillissait parfois un regard effaré. Heureusement pour elle les convives, échauffés par le vin et la bonne chère, ne prenaient pas garde à cette angoisse secrète qui perçait à travers les éclats de rire, les calembours par à peu près et les anecdotes saugrenues.

Dafné, voyant qu’elle faisait une médiocre impression sur Lothario, se dit « passons à la pose mélancolique, » et comme fatiguée du rôle qu’elle jouait, elle prit une attitude qu’elle savait lui aller bien ; le coude sur la table, la main à la tempe, les doigts dans les cheveux et le regard au plafond, ce qui donnait à son œil une lueur attendrie et lustrée. Elle était vrai-