Page:Gautier - Mademoiselle Dafne - recueil 1881.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vin meilleur qu’on servait aux soupers du pape Alexandre, ce parfum de Ruggieri dont les gants de Jeanne d’Albret étaient imprégnés, et cette aqua tofana, vraie eau du Styx, dont le secret est heureusement perdu. Longtemps j’ai vécu d’œufs que m’apportait de la campagne ma bonne et fidèle nourrice Mariuccia, et avec l’aide de mon professeur l’abbé Bolonini, savant chimiste, j’ai cherché les recettes de contre-poisons. Aucun venin, pas même le vôtre, ne peut mordre sur moi ; je suis comme Mithridate, roi de Pont. Voyant que le poison ne réussissait pas, vous avez eu recours au fer et à diverses reprises vos buli m’ont attaqué, la nuit, dans les rues de Rome. Heureusement, je suis de première force aux armes, et j’ai repêché au fond du puits où Lorenzaccio fa jetée la chemise de mailles du bâtard de Médicis, un peu rouillée peut-être, mais très souple et très solide encore, car elle m’a garanti