Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/150

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sir Edwards en reconduisant Mlle Vasquez chez elle.

De son côté, Feliciana se livrait à des rêveries analogues ; sans doute elle éprouvait un assez vif dépit de la scène qui venait de se passer, non qu’elle regrettât beaucoup Andrès, mais elle était piquée d’avoir été prévenue. Il y a toujours quelque chose de désagréable à être quittée même par un homme à qui l’on ne tient pas, et, depuis qu’elle connaissait sir Edwards, Feliciana avait envisagé sous un jour beaucoup moins favorable l’engagement qui la liait à Andrès.

La rencontre de son idéal personnifié dans sir Edwards lui avait fait comprendre qu’elle n’avait jamais aimé don Andrès !

Sir Edwards était si bien l’Anglais de ses rêves ! l’Anglais rasé de frais, vermeil, luisant, brossé, peigné, poncé, en cravate blanche dès l’aurore, l’Anglais waterproof et mackintosh ! l’expression suprême de la civilisation !

Et puis, il était si ponctuel, si précis, si mathématiquement exact au rendez-vous ! Il en aurait remontré aux plus fidèles chronomètres ! « Quelle vie heureuse une femme mènerait avec un être pareil ! se disait tout bas Mlle Feliciana Vasquez de los Rios. J’aurais de l’argenterie anglaise, des porcelaines de Wegwood, des tapis dans toute la maison, des domestiques poudrés ; j’irais me