Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Derrière le tronc de ce figuier, dont les feuilles vertes et sombres font comme une nuit sur le sentier qui s’étrangle, est-ce une erreur ? il nous semble avoir vu luire comme le canon d’une arme à feu, comme l’éclair de cuivre d’un tromblon qui s’abaisse.

Un homme est couché à plat ventre dans les lentisques et les azeroliers, comme un jaguar à l’affût de sa proie et qui mesure en pensée le saut qu’il doit faire pour lui tomber sur les épaules : c’est Juancho, qui vit depuis deux mois à Grenade, caché dans les tanières de Troglodytes des Gitanos, creusées le long des escarpements de Monte-Sagrado, où sont les caves des martyrs. Ces deux mois l’ont vieilli de dix ans ; il a le teint noir, les joues creuses, les yeux ardents, comme un homme que dévore une pensée unique : cette pensée est celle de tuer Militona !

Vingt fois déjà, car il rôde sans cesse autour d’elle, invisible et méconnaissable, épiant l’occasion, il aurait pu mettre à exécution son projet ; mais toujours au moment le cœur lui avait manqué.

En venant à son embuscade, car il avait remarqué que tous les jours, à peu près à la même heure, Andrès et Militona passaient par ce chemin, il s’était juré par les serments les plus formidables d’accomplir sa funeste résolution et d’en finir une fois pour toutes.