Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/19

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Le pauvre Andrès baissa la tête ; car il avait lu, comme les autres Espagnols, les stupides tirades philanthropiques que les poltrons et les âmes sans énergie ont débitées contre les courses des taureaux, un des plus nobles divertissements qu’il soit donné à l’homme de contempler ; et il se trouvait un peu Romain de la décadence, un peu boucher, un peu belluaire, un peu cannibale ; mais cependant il eût volontiers donné ce que sa bourse contenait de douros à celui qui lui eût fourni les moyens de faire une retraite honnête, et d’arriver à temps pour l’ouverture de la course.

« Allons, mon cher Andrès, dit Feliciana avec un sourire demi-ironique, je n’ai pas la prétention de lutter contre ces terribles taureaux de Gaviria ; je ne veux pas vous priver d’un plaisir si grand pour vous : votre corps est ici, mais votre âme est au cirque. Partez ; je suis clémente et vous rends votre liberté, à condition que vous viendrez de bonne heure chez la marquise de Benavidès. »

Par une délicatesse de cœur qui prouvait sa bonté, Andrès ne voulut pas profiter sur-le-champ de la permission octroyée par Feliciana ; il causa encore quelques minutes et sortit avec lenteur, comme retenu malgré lui par le charme de la conversation.

Il marcha d’un pas mesuré jusqu’à ce qu’il eût tourné l’angle de la calle ancha de San-Bernardo pour