Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/20

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prendre la calle de la Luna : alors, sûr d’être hors de vue du balcon de sa fiancée, il prit une allure qui l’eut bientôt amené dans la rue du Desengaño.

Un étranger eût remarqué avec surprise que les passants se dirigeaient du même côté : tous allaient, aucun ne venait. Ce phénomène dans la circulation de la ville a lieu tous les lundis, de quatre à cinq heures.

En quelques minutes Andrès se trouva près de la fontaine qui marque le carrefour où se rencontrent la red de San-Luis, la rue Fuencarral et la rue Ortaleza.

Il approchait.

La calle del Caballero de Gracia franchie, il déboucha dans cette magnifique rue d’Alcala, qui s’élargit en descendant vers la porte de la ville, ainsi qu’un fleuve approchant de la mer, comme si elle se grossissait des affluents qui s’y dégorgent.

Malgré son immense largeur, cette belle rue, que Paris et Londres envieraient à Madrid, et dont la pente, bordée d’édifices étincelants de blancheur, se termine sur une percée d’azur, était pleine, jusqu’au bord, d’une foule compacte, bariolée, fourmillante et de plus en plus épaisse.

Les piétons, les cavaliers, les voitures se croisaient, se heurtaient, s’enchevêtraient au milieu d’un nuage de poussière, de cris joyeux et de vociférations ;