Page:Gautier - Portraits contemporains, 1881.djvu/36

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calises de Garat ne s’épanouissaient plus brillamment que lorsqu’elles étaient soutenues par les accords de madame Gay. Elle jouait aussi de la harpe en virtuose consommée, comme si elle n’eût pas eu le plus joli bras du monde. Ce don musical, si rare parmi les natures littéraires, ordinairement rebelles à l’harmonie, avait attiré et groupé autour d’elle une pléiade de compositeurs, sûrs d’être appréciés, compris, exécutés avec un sentiment profond, un art exquis. Plusieurs partitions célèbres furent essayées et cherchées sur son piano : La Vestale et le Fernand Cortès de Spontini, le Joseph de Méhul, et le Maître de chapelle de Paër, dont elle a fait les paroles, et que nous avons entendu en Algérie, dans une cour moresque, arrangée en théâtre, dans une représentation honorée de la présence et des applaudissements du maréchal Bugeaud, qui se rajeunissait à cette vieille musique toujours fraîche ; elle a fait aussi la Sérénade avec madame Sophie Gail, une femme de génie, sa presque homonyme. Chacun à sa date, et chez elle, Elleviou, Martin, Ponchard, Malibran, Levasseur, qui débuta dans ce salon, Duprez et tout ce qui avait de la gloire ou de l’avenir, car personne ne devinait le mérite comme madame Gay.

Elle n’acceptait pas banalement les vogues toutes faites, elle les faisait elle-même : elle avait une chaleur d’admiration communicative, et voulait faire partager à tout le monde ses enthousiasmes toujours bien placés, et recrutait à ses protégés des prosélytes avec une activité de propagande merveilleuse. Della Maria, Dalayrac, d’Alvimare trouvèrent dans ce salon quelques-unes de leurs plus jolies ariettes et de leurs plus sympathiques romances. Crescentini, le Farinelli de l’Empire, la belle madame Grassini, y faisaient entendre leurs voix exceplionnelles et déployaient leur merveilleuse méthode.