Page:Gautier - Portraits contemporains, 1881.djvu/37

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Contrairement à l’usage des femmes qui se choisissent, comme repoussoir, des amies d’une laideur rassurante, madame Sophie Gay s’entourait bravement de jolies femmes sans craindre d’éteindre sa beauté par la comparaison. Madame Tallien, madame Récamier, madame Pellaprat, la belle et spirituelle marquise de Gustines, madame Regnauld de Saint-Jean d’Angely, madame de Barral et madame de Grécourt, cousine de madame Gay, brillaient dans cette enceinte charmante et comme on n’enverra plus.

Une délicieuse miniature d’Isabey, qui était aussi son ami, et que nous avons sous les yeux, doit représenter madame Sophie Gay à peu près vers cette époque, si l’on s’en rapporte à la mode du costume, et montre qu’elle n’avait à redouter aucun voisinage. Malgré l’arrangement de la coiffure dont les boucles frisées descendent sur le front, qu’elles couvrent de leur ombre, selon le disgracieux usage du temps, et la petite robe de mousseline à taille placée sous la gorge, comme on les portait alors, on admirera toujours ces yeux bruns illuminés d’intelligence, cette bouche qui semble se reposer d’un trait d’esprit dans un sourire, ce visage éclairé d’une sympathique franchise, ce cou, cette poitrine et ces bras de statue qui ont été célèbres, et qui avaient même gardé jusqu’à nos jours des restes reconnaissables de leur primitive perfection. Quand on avait bien ri, bien chanté, bien causé, — l’on soupait et c’était alors comme un feu d’artifice de folles plaisanteries et d’aimables extravagances. D’après le tableau de cette vie élégante, un peu mondaine, des conversations à coups de raquette où personne ne laissait tomber le volant, on croirait peut-être que les romans de madame Gay offraient les mêmes caractères d*agréable frivolité ? Nullement ; c’étaient des amours chastes et voilées, des dénoûments romanesques, des passions conte-