Page:Gautier - Portraits contemporains, 1881.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
PORTRAITS CONTEMPORAINS.

appelait son ennemi intime, mot que M. Scribe ne laissa pas tomber. M. Guirard, M. de Rességnier, M. de Custines, Jules Lefebvre, Méry, M. Émile Deschamps, la vestale de l’esprit français, qu’il ne laissa jamais éteindre, comptaient au nombre de ses plus assidus visiteurs.

Dans la période qui suivit la révolution de Juillet, madame Gay fit paraître une suite de romans historiques qui eurent beaucoup de succès : la Duchesse de Châteauroux, Hortense Mancini, le Comte de Quiche, Marie d’Orléans, puis Ellénore.

Elle écrivit aussi le Courrier de Versailles, revue piquante, sorte de continuation du Courrier de Paris du vicomte Ch. de Launay. Mais depuis longtemps, malgré son talent et son activité, madame Gay avait transporté tout son amour-propre littéraire sur sa fille, dont les succès l’intéressaient beaucoup plus que les siens. Elle mettait une abnégation toute maternelle à s’éclipser dans les rayons de cette chère gloire.

Personne d’ailleurs ne fut moins entiché de cette vanité dont les meilleurs esprits ont peine à se défendre. Elle oubliait très-facilement ses ouvrages, dont elle eût pu être fière à plus d’un titre. Elle eut ce don heureux de l’admiration qui est le partage des belles natures, et sa vie fut charmée au plus haut degré et consolée par tous les dilettantismes intelligents. Même dans les dernières années, lorsque sa santé était déjà altérée gravement, elle ne manquait à aucun des appels de l’art ou de la science. Nous la trouvâmes un jour toute seule, mêlée à l’auditoire de Pétin, qui exposait alors, au Palais-Royal, les principes de la navigation aérienne ; elle se faisait expliquer tous les détails, et suivait les théories de l’inventeur avec une attention juvénile. Elle suivait les premières représentations avec plus d’exactitude