Page:Gautier - Portraits du XIXe siècle, Poëtes et romanciers.djvu/289

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Strauss (un chef-d’œuvre), il fixe à la musique ses vraies bornes ; dans l’Oncle Scipion, enfin, il prend à partie le progrès moderne, et surtout les conquêtes de l’industrie. Vous le voyez, ce sont là les œuvres « économiques » de notre Ourliac, et ces neuf nouvelles composent presque un cours de philosophie sociale.

C’est surtout au sujet de ces contes profonds qu’on peut appliquer à Ourliac les paroles qu’un des meilleurs écrivains de notre temps a trop sévèrement appliquées à Joseph de Maistre : « Même quand il énonce une vérité, il a l’air de dire un paradoxe. » Rien n’est plus juste pour l’auteur de l’Épicurien. Son esprit était en pente vers le paradoxe, et il suivait la pente. Tout heureux de se trouver enfin au sein de cette vérité catholique qu’il aima passionnément, tout illuminé, tout ravi, Ourliac se laissait volontiers dominer in globo par cette idée chrétienne à laquelle il attachait tant de prix. Voilà pour le fond. Mais, quant à la forme, il se donnait mille libertés. Il se laissait aller à je ne sais quelle gaminerie dogmatique, qui est charmante venant de lui, qui serait dangereuse venant d’un autre. Il faisait des gambades en économie politique, et traitait avec mutinerie les sujets les plus graves. De là vient qu’il dépasse quelquefois la mesure. Dans l’Épicurien, il s’abandonne à un réalisme rebutant. Dans l’Oncle Scipion, il étale avec trop de parti pris sa haine joyeuse contre le progrès. Il n’aime pas son siècle, et a pour lui certain mépris gouailleur qui est pire que de la haine, et que nous ne saurions approuver. Il ne paraît pas avoir saisi les grands côtés de ce temps où l’art et la littérature ont été pénétrés de tant d’éléments chrétiens. Mais, cher Ourliac, chère mémoire, vous n’auriez pas, au dernier siècle, écrit des nouvelles aussi catholiques que le sont les