Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/230

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dentée, tout un monde interlope mêlé de beaucoup d’alliage, mais vif, spirituel, joyeux, ne cherchant que le plaisir et dépensant l’argent avec d’autant plus d’insouciance que le luxe italien est une économie relative.

Toute cette société fréquentait les bals hospitaliers du grand-duc, et s’amusait beaucoup. Cette espèce de tolérance générale qui faisait accepter tout individu se présentant bien, mis convenablement et recommandé par une lettre quelconque, introduisait bien quelque aigrefin et quelque aventurière dans ce salon cosmopolite ; mais on en était quitte pour ne plus se saluer à Londres ni à Paris, et l’on jouissait dans la ville d’une liberté de bal masqué. Les intrigues et les amours allaient leur train sans trop de scandale ; chacun était trop occupé pour avoir le temps de médire. D’ailleurs, accuser une femme d’avoir un amant eût semblé puéril ; la médisance n’eût commencé qu’à deux, et la calomnie à trois.

La promenade aux Caschines était un des épisodes importants de la journée. Il s’y tenait une espèce de bourse d’amour où se cotaient les actions des femmes. Madame de B… est en hausse ; madame de V… est en baisse ; madame de B… a quitté le petit baron de L… pour le prince D… ; madame de V… a été trahie pour une seconde