Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/271

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la machine se remettant en marche : c’est tout. On va comme une flèche lancée à travers les ténèbres, mais qui n’en atteint pas moins heureusement son but, sans autre distraction que de voir l’intérieur du wagon répété dans les glaces des portières avec les dormeurs plus ou moins livides, comme les spectres du Secret de miss Aurore. Burgos et Valladolid restèrent derrière nous, et, quand le jour se leva, nous traversions des champs semés de pins à tête ronde, encore jeunes et de moyenne grandeur, qui présentaient, à cette clarté incertaine, l’apparence étrange d’orangers taillés en boule comme ceux des Tuileries ou de Versailles qu’on aurait tirés de leur caisse et mis en pleine terre. On arriva bientôt à Miranda-del-Campo, que signalent les restes d’un château et de tours en ruine d’un effet imposant et témoignant d’une splendeur passée. Comme on avait annoncé un certain nombre de minutes d’arrêt, et que le buffet n’offrait d’autres ressources que des verres d’eau avec des azucarillos, quelques voyageurs pensèrent avoir le temps de visiter au moins d’une façon sommaire une des trois tours démantelées les plus voisines ; mais on ne s’était pas aperçu de leur absence, et le train les oublia. Heureusement, on fut obligé d’attendre à une station d’évitement, car le