Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/293

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du dôme ou se tenaient en équilibre comme des stylites sur le chapiteau des cheminées, avaient disparu, sentant leur mission de peupler cette solitude finie. Nous regrettâmes leur absence.

Allons-nous recommencer la description de l’Escorial, qui remplit plusieurs pages dans notre Voyage en Espagne ? Non. Le monument n’a pas changé ; les années ont glissé sur son rude épiderme de granit où le pouce du temps s’userait, sans y adoucir un angle, sans y modifier une nuance. Ce sont toujours les mêmes formes rectangulaires, les mêmes pyramidions surmontés de boules, la même coupole bossue, les mêmes quatre pavillons figurant les pieds du gril dont le palais est le manche et dont les cloîtres transversaux sont les barres, le tout revêtu de ce gris jaunâtre revêche à toute patine que la pluie ne peut noircir et que le soleil ne saurait dorer. Saint Laurent a dû être satisfait de ce colossal ex-voto représentant l’instrument de son supplice et pardonner à Philippe II la canonnade de Saint-Quentin. Mais nous plaignons l’architecte Herrera obligé de travailler sur ce plan bizarre. Rien d’austère, d’ailleurs, comme le style de ce farouche artiste, qui refuse tout ornement, tout relief, et n’emploie que l’ordre dorique réduit à sa plus simple expression.