Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/294

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Un sujet d’admiration pour les philistins exotiques et indigènes qui visitent l’Escorial, c’est le nombre de fenêtres dont est perce le monument. Nous en pourrions dire le chiffre exact si nous n’avions perdu le petit livret vendu à la porte d’entrée ; il dépasse mille ou onze, cents. Et, là-dessus, la foule de se récrier : « Onze cents fenêtres ! chose étonnante ! » Il est vrai qu’elles sont basses, écrasées, disgracieuses, mais il y en a beaucoup. Le Parthénon n’en avait pas.

Notre ancien guide Cornelio, cet aveugle si clairvoyant qui circulait d’un pas infaillible à travers les cloîtres, les corridors et les recoins mystérieux de l’Escorial, ne manquant jamais de s’arrêter devant le tableau, la statue ou l’objet curieux à montrer, Cornelio vit-il encore ? Ses yeux, fermés dans ce monde, se sont-ils rouverts dans l’autre ? Nous ne le vîmes pas à son poste ordinaire. Il n’était pas jeune lorsqu’il nous conduisait, et nous n’osâmes demander de ses nouvelles, de peur d’entendre cette réponse lugubre : « Il est mort, » ou, comme on dit en Espagne : « Il mange l’herbe par la racine. »

D’ailleurs, n’eussions-nous pas connu l’Escorial à fond, un guide n’était pas nécessaire, il n’y avait qu’à « suivre le monde. » Quand nous entrâmes dans cette