Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

projection. Leur sommet est denticulé de créneaux assez profondément entaillés. Aux portes, les tours et les murailles ont des collerettes de mâchicoulis d’où les assiégés pouvaient faire pleuvoir sur les assiégeants le plomb fondu et l’huile bouillante. Nous ne savons si ce moyen de défense était très-efficace ; mais, à coup sûr, rien n’est plus élégant que ce balcon évidé en dessous et soutenu par des consoles qui couronnent le faîte des fortifications. Tout cela, mordoré de soleil, délavé de pluie, confit dans toutes les sauces du temps, a des jaunes fauves, des bruns chauds, des gris riches que la palette de Decamps aurait seule pu rendre. L’aspect en est grave, chevaleresque et sévère comme la vieille Castille — Castilla la vieja — dont Avila faisait autrefois partie.

Pour des poëtes, Avila est l’idéal de la ville forte. Ces tours et ces remparts, dont riraient des ingénieurs modernes, figurent à l’imagination le type de l’inexpugnable par leur puissant et pittoresque relief. De leur base, la vue s’étend sur une large plaine ondulée de collines qui se relèvent bientôt en montagnes à l’horizon. Quelques fermes, quelques pueblos de peu d’importance s’y dessinent à côté de bouquets d’arbres ; il y en a juste assez pour animer