Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sement étrange. Il ne jouait pas et se tenait immobile et sérieux comme une apparition du temps passé dans son costume ancien, d’une exactitude et d’une propreté irréprochables. Il avait le chapeau pointu, la veste et le gilet de drap bleu relevés de quelques soutaches de soie, la ceinture serrée sur les hanches, la culotte courte, les bas drapés et les souliers à boucles. Il était si mince, si fluet, si délicat, qu’on eût dit une ombre ; mais son œil noir se fixait sur nous avec une vie intense et dédaigneuse, comme s’il méprisait nos affreux costumes modernes et nos personnes par trop actuelles.

Nous aurions bien voulu visiter le couvent qui s’élève à la place de la maison où naquit sainte Thérèse, la Sappho de l’extase, la grande lyrique chrétienne, la sainte la plus délicieusement femme, la passion la plus éthérée et la plus divine, la flamme ardente à brûler le corps comme un grain d’encens, l’amour du ciel le plus désintéressé qui fut jamais ; sainte Thérèse, l’honneur, l’édification et la gloire d’Avila ! dans la chapelle de ce couvent, dont on a fait, singulière idée, une bibliothèque et un conservatoire de déclamation, se trouvent un buste et un portrait de la sainte, avec quelques débris des meubles de sa cellule ; mais il fallut y re-