Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/47

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sante et joyeuse. Il est un élément de fête, il rhythme les grandes manifestations, il supplée à la voix insuffisante de l’homme ; il soutient, de sa basse profonde, le chœur un peu grêle des foules, il remplit l’espace et annonce au loin la solennité. Ce gigantesque orchestre de la flotte et des forts nous faisait songer que le bruit manquait aux fêtes des anciens, et nous revoyions passer sur un fond bleu les panathénées ou les thesmophories ; un chœur de jeunes vierges, aux blanches draperies toutes plissées pour le bas-relief, conduit par une lyre ou une flûte, accompagné par le crépitement des rauques cigales, sans tumulte, presque en silence. Le berger paissant les chèvres sur le Parnès ou le Lycabète, la femme lavant sa chlamyde dans l’Ilissus, à deux pas de l’Acropole, pouvaient ne pas se douter qu’une théorie défilât sous le portique du Parthénon.

À quoi bon ce souvenir athénien à propos de Cherbourg ? Il nous ramène à notre idée première, à notre point de départ : la civilisation antique était à l’échelle de l’homme, la civilisation moderne doit être à l’échelle de l’humanité. C’est pourquoi les canons font mieux que les petites flûtes dans une fête de notre temps. La population tout entière de l’Attique n’égalait pas en nombre les visiteurs de Cherbourg.