Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/95

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Nous saisissons cet instant d’inaction pour regarder tout à notre aise Dominguez, avec les traits duquel nous étions déjà familiarisé par sa photographie : c’est un homme de trente-cinq ans environ, de haute stature, d’apparence vigoureuse ; d’épais favoris noirs, partant des coins de la bouche, encadrent sa figure empreinte d’une expression de courage inébranlable. Il porte un superbe costume bleu, si chargé de broderies d’or, de passequilles et de fanfreluches étincelantes, qu’on a peine à en distinguer l’étoffe.

À première vue, il nous semble un peu trop herculéen pour une épée ; mais il pratique, dit-on, à la rigueur ce précepte du grand Romero : « En face de l’animal, le torero doit mettre sa confiance, non dans ses jambes, mais dans ses mains ; il doit clouer ses pieds au sol, et, lorsque le taureau arrive directement sur lui, le tuer ou succomber. »

La clef du toril, ornée d’une touffe de rubans, est jetée à l’alguacil, qui la remet au belluaire et se sauve de toute la vitesse de sa monture. Aussitôt le battant de la porte se renverse, et le premier taureau se précipite en bondissant dans l’arène.

Manteo, tel est le nom de l’animal, a d’abord vagué au milieu de la place, étonné du bruit et de la lumière ;